Aujourd’hui presque 100% des jeunes adultes, hommes et femmes, ont consommé ou consomment régulièrement de la pornographie. Si pour certains, cela semble normal et acceptable de pouvoir se faire son petit porno pour se détendre et évacuer la tension sexuelle dans ce cadre bien déterminé (le plus souvent à l’insu de son conjoint tout de même), la plupart des personnes souffrent de cette habitude qui les enferme.

Comprendre le fonctionnement

Bien souvent, l’élan qui pousse à aller regarder des vidéos pornographiques, est une émotion mal accueillie, qui a besoin d’une réponse immédiate, d’un réconfort. N’ayant pas conscience de cette première étape, le mécanisme mis en place dans l’enfance ou l’adolescence, à un âge où la maturité émotionnelle est loin d’être acquise, se joue alors instantanément. Il y a comme une force agissante qui dépasse la volonté.

Éduquer la pulsion sexuelle

Lumière du savoir

Le deuxième point bloquant, qui renforce l’addiction, est qu’il est rare d’avoir été éduqué à la pulsion sexuelle et à la frustration. La pulsion sexuelle est un élan instinctif qui active le désir. C’est un phénomène magnifique à accueillir avec joie et à célébrer en soi. « Je ressens une pulsion, je suis vivant(e), quelle merveilleuse nouvelle ! » J’invite chacun à savourer chaque sensation liée à cette pulsion : les poils qui se hérissent ; la genèse d’une érection ; la lubrification du vagin ; le feu au creux des reins… Et de prendre une inspiration profonde pour laisser vivre en soi cette pulsion et se créer un espace et un temps pour poser un acte libre et éclairé, pour choisir quoi faire de cette pulsion.

Cela peut être… rien. Cela peut être une déclaration de désir à son conjoint, cela peut être recueillir l’énergie liée à cette pulsion pour entreprendre un projet, une activité… Cela n’est pas nécessairement vivre un acte sexuel. Cela n’est pas obligatoirement se réfugier dans le porno !

Accueillir la frustration

Renoncer à un acte sexuel, quand le désir est si prégnant, peut générer de la frustration. Et ce n’est pas grave. La frustration n’est pas une mauvaise chose en soi. Elle fait partie de la palette des émotions, certes pas la plus agréable à ressentir, mais elle est naturelle et il est normal de la ressentir de temps en temps (cela permet de savourer d’autant mieux la satisfaction, quand nos attentes sont comblées). Accueillir la frustration, la reconnaître, la nommer, la sentir vivre en soi avec ses manifestations physiques, permet de la laisser nous traverser, sans rumination, sans ressentiment, sans colère ni tristesse.

Prendre de nouvelles habitudes

Alors oui, c’est plus facile à dire qu’à faire, car nous avons rarement été éduqué à accueillir la pulsion, à accueillir la frustration, comme des phénomènes naturels faisant partie de la vie de l’homme et de la femme.

Ce sont de nouvelles habitudes à prendre et pour cela il y a trois temps à connaître :

► 7 secondes : c’est le temps nécessaire à la création d’une nouvelle synapse dans le cerveau.

► 21 jours : c’est le temps dont on a besoin pour prendre une nouvelle habitude.

► 3 mois : c’est le temps qu’il faut pour que cette habitude s’ancre dans le quotidien.

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► Faire réagir son cerveau : 7 secondes

Pour laisser le temps à une nouvelle synapse ( zone entre 2 neurones assurant la transmission d’informations de l’un à l’autre) de se créer et ainsi produire un nouveau circuit, prendre une nouvelle habitude et délaisser l’ancienne qui ne nous convient pas, il faut donc 7 secondes. Sept secondes de prise de conscience. Sept secondes d’arrêt pour habiter ce qui se joue en nous à notre insu et le faire monter à la conscience. Ces sept secondes sont un espace de liberté, pour rompre avec le mécanisme bien huilé qui pousse l’être à réagir et non plus à agir d’une façon qui soit ajustée à lui, à la personne qu’il souhaite être.

► Imprimer un nouveau scénario : 21 jours

C’est la répétition de ces sept secondes de façon régulière, puis de plus en plus systématique, qui va permettre à la nouvelle habitude de se prendre. Quelle que soit la stratégie que vous décidez de mettre en place, il faut trois semaines pour que le cerveau puisse imprimer le nouveau scénario que l’on veut développer. Pour Eric, jeune homme de trente ans, marié et consommateur régulier d’images pornographiques, la réponse alternative qu’il a trouvé en séance pour éviter de se précipiter dans ses vieilles habitudes, a été la cuisine. Un espace pour mettre cette énergie au profit d’une activité agréable, lui permettant de développer de nouvelles compétences et qui apporte une satisfaction, un résultat positif, sans la honte et la culpabilité qui accompagnent chaque « rechute ».

► Créer une nouvelle habitude : 3 mois

Les deux premiers temps (7 secondes et 21 jours) vont solliciter beaucoup d’efforts, de détermination et de persévérance. Passé le cap des trois mois, les circuits nouvellement imprimés dans le cerveau permettront à la nouvelle habitude de devenir le circuit privilégié contre l’ancienne. Avoir conscience de ces différents temps nécessaires permet de ne pas baisser les bras et de surfer sur l’éclairage des neurosciences pour aller vers l’objectif sans se décourager. Tenir le cap !

Ne pas se résigner

Le temps est déterminant et le chemin n’est pas une ligne droite. Il peut y avoir des rechutes et un regard bienveillant sur soi-même est indispensable pour pouvoir se relever et ne pas se résigner. Il n’y a pas de fatalité. On peut changer. On peut se donner les moyens d’aller dans la direction choisie. Arrêter de subir. Peut-être que la bienveillance commence par une compréhension de ce qui a permis à cette habitude de s’installer. Sans se juger. Observer ce qui manquait et pourquoi la seule option accessible à cette période-là était la pornographie. Accepter ce marqueur dans son histoire personnelle, pour décider, en conscience, de s’en défaire et de tourner définitivement la page.

Donner du temps et donner du sens

pornographie,addiction-porno,images-porno,sexualité porno,sexualité-couple  Le temps et donc la patience, sont des ingrédients importants dans le processus. Et pour tenir sur la durée, il est primordial de donner du sens à son choix. Être convaincu de la validité de la démarche, de son intérêt, de ce qu’elle apporte.

Est-ce que je pense que l’impact de la pornographie sur mes pensées, mes fantasmes, mes rêves, mon désir, mon excitation, mes émotions, mes gestes, n’est pas juste ? Est-ce que je vois combien l’afflux d’images préconçues, préfabriquées, factices, vient annihiler ma capacité de développer mon imaginaire érotique pour le mettre ensuite au service de mon couple et de sa complicité sexuelle ? Est-ce que j’ai conscience que les scénarios proposés, l’image du corps féminin, du corps masculin, de l’acte sexuel, sont fictifs et engendrent une angoisse de performance, un diktat de la jouissance, qui nuisent à la rencontre intime qui devraient avoir lieu lors de nos retrouvailles dans l’union des corps ? C’est en donnant du sens à cette démarche, en regardant jusqu’au bout quels sont les enjeux derrière ce renoncement, que l’on peut trouver les encouragements à persévérer.

Quelle sexualité vivre ?

J’invite à se poser quelques questions supplémentaires pour donner encore plus de sens : Qu’est-ce que je recherche dans la relation sexuelle ? Est-ce qu’il s’agit d’une performance technique ? Est-ce que le but est de donner et prendre du plaisir ? Est-ce la recherche de sensations fortes ? Ou bien est-ce le désir de se rencontrer en vérité, dans la plus grande intimité ? En se donnant tout entier, tête, cœur et corps ? En recevant l’autre dans tout ce qu’il est ? Est-ce un acte d’amour ? Est-ce le lieu et le moment pour ajouter de l’amour à l’amour ? Pour se dire « je t’aime » dans ce langage privilégié et unique, exclusif du couple amoureux ? Qu’est-ce qui aujourd’hui empêche cette rencontre ?

Une pensée à contre-courant

La sexualité libérée proposée par les média, les clips, la presse féminine, le porno … me semble être un nouveau carcan dans lequel les gens « libérés » sont sensés rentrer. La véritable sexualité libérée est celle qui me ressemble, qui nous ressemble. Et pour y accéder, il y a un certain nombre d’idées reçues à briser, de blessures à regarder, d’images dont il est important de se défaire. Chaque homme, chaque femme, chaque couple est unique. Il n’y a qu’à deux qu’on devient les meilleurs amants du monde. En se révélant l’un à l’autre, en communiquant ses désirs, ses peurs, ses joies. En regardant son histoire et les obstacles qui se sont dressés au cours de la vie qui empêchent la beauté de la rencontre ! Oser s’en libérer, c’est oser être soi-même et pouvoir s’accueillir mutuellement tel qu’on est, pour écrire à deux la plus belle histoire d’amour, irriguée par une vie sexuelle belle et joyeuse !

Flavie Taisne, sexothérapeute

 

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